Noaga est le seul à faire vibrer le ruudga à Baskoudré. Héritier d’une tradition longtemps associée aux non-voyants, il perpétue un art ancien qui accompagne les fêtes coutumières et les animations aux marchés.

Noaga maître du ruudga présentant un handicap des yeux n’est pas né non-voyant. «  je ne suis pas née non-voyant, j’ai eu la grâce de voir jusqu’à mes 10 ans avant de perdre la vue » raconte Noaga. C’est suite à une maladie des yeux qui l’a progressivement plongé dans l’obscurité. Ses parents ont tout soigné, jusqu’à la fatigue, mais rien n’y fit, la maladie a eu raison de leurs efforts. Ce handicap visuel, loin de l’enfermer, l’a ouvert à une voie : celle de la musique traditionnelle à travers le ruudga.

Le ruudga est un violon traditionnel moaga, fabriqué à partir d’une calebasse, de cuir, de crin de cheval et d’un bois courbé en forme d’arc qui permet de produire la musique.

Le ruudga

En jouant du Ruudga, Noaga exprime sa joie et délivre des messages. Dans la tradition moaga, cet instrument est comme un outil de communication : ceux qui connaissent bien la langue mooré savent en déchiffrer les récits et les éloges.

Noaga tout joyeux en jouant le ruudga

Noaga a appris cet metier auprès de son défunt frère, malvoyant depuis tout petit avant de perdre la vue. Le ruudga est devenu pour lui un refuge,  une manière de donner sens à sa vie.

Depuis lors ses sons accompagnent les récits anciens, les éloges aux chefs coutumiers et les moments de vie communautaire. À chaque célébration traditionnelle, qu’il s’agisse du Kitoaga, du Baasga ou d’autres fêtes, Noaga se tient au cœur de l’événement avec son ruudga, offrant des éloges et des récits qui séduisent par la force de sa voix et de son instrument. Et même dans les marchés il fait vibrer ses cordes pour chanter les louanges et raconter les récits anciens du peuple moaga.

Avant chacune de ses sorties, il ne pratique ni rituel ni sacrifice ; il se prépare simplement en maîtrisant l’histoire de son public, afin d’adapter ses éloges et ses récits.

Même sans la vue, Noaga répare et fabrique son instrument. Il choisit les matières, guide chaque étape de la réparation ou la construction du ruudga. Aujourd’hui, Noaga est le maître du ruudga à Baskoudré. Ses notes portent la voix des ancêtres et rappellent que la tradition est vivante tant qu’elle est transmise.

Noaga

« À Boussouma ici, le ruudga est attribué aux non-voyants, comme une manière de leur offrir une place dans la société et un moyen de survie à défaut de mendier, … » dis Noaga. Pour éclairer certains préjugés, Noaga affirme que quiconque veut apprendre le ruudga peut le faire, qu’il soit non-voyant ou non, ce n’est pas interdis du moment qu’il en a la volonté.

Son plus grand souhait est d’enregistrer ses sons, afin que cette mémoire ne disparaisse pas avec lui et reste vivante pour les générations futures, Noaga espère transmettre cet héritage afin que le ruudga continue de vivre et de porter la voix des ancêtres.

Wendlasida Flore YANOGO (stagiaire)