Le royaume de Nabigswendtenga (Boussouma) a vibré, du 11 au 14 décembre 2025, au rythme du Kitoaga, la plus grande fête du royaume marquant le nouvel an. Fidèle à l’héritage ancestral, cette célébration a rassemblé l’ensemble des sujets du royaume autour du rĩma (Roi) dans une atmosphère de ferveur, de communion et de réjouissances. De la nuit du mercredi, avec le Kiukelenga (Cérémonie se déroulant en plein air) marquant le début des rituels sacrés, aux allégeances et serments des Kombεεmba (chefs des cantons) le samedi et des trois piliers du royaume, en passant par le retour solennel du rĩma le jeudi, jusqu’au dimanche consacré aux réjouissances populaires, le Kitoaga de cette année s’est déployé comme un cycle complet de rites, de mémoire et de cohésion communautaire.

Quand arrive le Kitoaga, le royaume de Nabigswentenga entre dans un moment particulier, un temps où les rites prennent le pas sur le quotidien. C’est dans la nuit du mercredi que s’ouvre véritablement ce cycle, avec le Kiukelenga,ce rituel majeur qui marque l’entrée du royaume dans le temps sacré du nouvel an. Conformément à la tradition, le rĩma s’est retiré du palais pour un temps de retraite spirituelle. Durant cette période, les rites ordinaires du palais sont suspendus. Le royaume retient son souffle. C’est dans la cour où le roi s’était auparavant réfugié que se déroule le Kiukelenga . Des ruminants y sont immolés, dans un geste de purification et de préparation spirituelle, destiné à apaiser les forces invisibles et à ouvrir la voie aux bénédictions des ancêtres. Au cœur de cette nuit, le tambour ancien est sorti. Son grondement résonne toute la nuit jusqu’au petit matin, portant des messages que seuls les initiés savent décrypter ; l’annonce du Kitoaaga, l’appel aux ancêtres et la mise en éveil du royaume tout entier.
Le retour solennel du rĩma



Après la nuit dense et silencieuse du Kiukelenga le jeudi s’ouvre comme un jour de restauration et de rassemblement. C’est le moment attendu du retour du rĩma, qui marque la fin de la retraite spirituelle et la reprise officielle de la vie cérémonielle au palais. Dès les premières heures, une grande procession se forme, réunissant hommes, femmes et enfants ainsi que les notables de Wayigou , la zone entourant le palais royal. Tous s’alignent en file indienne, dans un ordre strictement codifié, accompagnant le rĩma de sa cour de retraite jusqu’au palais. La procession est ponctuée par la sortie des insignes du Naam (Royauté), parmi lesquels le tiibo(Fétiche) et d’autres attributs majeurs du pouvoir royal, portés avec solennité. Ces objets symboliques, plus que de simples emblèmes, rappellent la continuité de l’autorité royale et la légitimité ancestrale du rĩma. Ce retour marque la restauration complète de l’ordre royal. Le palais reprend vie, les rites reprennent leur cours, et le royaume, désormais réuni autour de son roi, se prépare aux grandes réjouissances du Kitoaga.
Vendredi : la journée dite “morte”
Après le retour solennel du rĩma et la reprise de la vie cérémonielle au palais, le vendredi s’inscrit dans un registre différent. Traditionnellement, cette journée est dite “morte”, non pas par absence de sens, mais par choix rituel de retenue. Aucune activité officielle n’est alors programmée au palais. Les gestes se font rares, les paroles mesurées. Ce temps de pause marque une transition nécessaire entre les rites d’ouverture et les grandes manifestations publiques à venir. Il permet au royaume de se recueillir, d’intégrer les actes déjà posés et de se préparer aux engagements solennels du lendemain. Dans le déroulement du Kitoaaga, le vendredi rappelle que la tradition ne se vit pas uniquement dans l’action visible, mais aussi dans le silence, la retenue et la maîtrise du temps. C’est un moment d’équilibre, où le sacré s’installe durablement avant de s’exprimer pleinement.
Le grand jour des Kombεεmba et la nuit des trois piliers du royaume




A l’issue de la journée de retenue du vendredi, le samedi marque le retour à une intense activité rituelle et institutionnelle. Le palais redevient le centre névralgique du royaume, accueillant successivement chefs, délégations et dignitaires, dans un enchaînement d’actes à forte portée symbolique. Le samedi a constitué ainsi le temps fort du Kitoaaga 2025. C’est le grand jour des Kombεεmba, les chefs de canton du royaume de Nabigswentenga. Chacun, à son tour, se présente au palais pour préter allégeance au rima et lui renouveler ainsi sa fidélité et sa loyauté, conformément aux traditions qui fondent l’organisation du royaume. Ces actes d’allégeance s’expriment à travers des salutations d’une gestuelle majestueuse accompagnées de présents symboliques ainsi que la mobilisation de fortes délégations,témoignant du poids et de la vitalité de chaque canton dans l’architecture politique et sociale du royaume. À travers ces cérémonies, il est rappelé que l’autorité du rĩma repose sur un pacte ancien, fondé sur la loyauté, le respect mutuel et la continuité des lignées. À la tombée de la nuit, le Kitoaga entre dans l’un de ses moments les plus solennels. Le palais accueille simultanément les trois piliers fondamentaux du royaume de Nabigswentenga, réunis pour prêter serment. Il s’agit premièrement du Kugr-Zug Naaba , solennellement appelé Boussouma Kugr-Zug Naaba, doyen des ministres du roi et garant de l’organisation politique du royaume. A sa suite vient le Tēngsoabin Kīema, doyen et aîné des chefs de terre, dépositaire de l’autorité foncière et du lien sacré avec la terre et les ancêtres. Vient enfin le Tãnsoabin Kīema,doyen des chefs de guerre, gardien de la défense, de la bravoure et de la sécurité du royaume. Réunis tous ensemble au palais, ces trois dignitaires réaffirment leur loyauté, leur engagement et leurs responsabilités respectives auprès du rĩma. Cet instant, empreint de solennité et de profondeur spirituelle, symbolise l’équilibre fondamental du royaume ;l’autorité politique, la légitimité de la terre et la force protectrice des armes. La convergence de ces trois fonctions en un même lieu et en un même moment rappelle que le royaume de Boussouma repose sur une architecture ancienne et harmonieuse, où chaque pilier soutient l’autre, sous l’autorité du rĩma et le regard des ancêtres.
Les réjouissances populaires et la communion du royaume



Au lendemain des engagements solennels du samedi, le dimanche ouvre le temps des réjouissances populaires, moment où le Kitoaga s’offre pleinement au peuple. La solennité laisse place à la joie partagée, sans jamais rompre le lien avec le sacré. Dès les premières heures, les habitants du royaume, accompagnés de troupes de danse, d’artistes musiciens ainsi que de communautés étrangères établies dans le royaume, convergent vers le palais pour saluer le rĩma à travers les festivités. Chaque prestation est porteuse de symboles, de mémoire et de reconnaissance, traduisant la vitalité culturelle et l’unité du royaume.
Le dimanche est aussi un jour de communion et de retrouvailles. Amis, fils et filles du royaume, venus parfois de loin, se rassemblent autour du rĩma pour partager ce moment de fête, d’échange et de fraternité. Au-delà des populations et des troupes culturelles, des autorités catholiques, protestantes et musulmanes sont également venues présenter leurs vœux de bonne année au rĩma, témoignant d’un esprit de respect mutuel et de cohabitation pacifique, au-delà des divergences religieuses, autour des valeurs communes du royaume.
À travers l’édition 2025, le Kitoaga s’est affirmé comme le pilier vivant de l’identité du royaume de Nabigswentenga. Plus qu’une fête, il demeure un acte de transmission, un moment où le passé éclaire le présent et prépare l’avenir, dans le respect des ancêtres, de l’autorité royale et de la cohésion du peuple.