Il est 8h30 lorsque nous foulons la terre rouge de Boussouma. L’aurore enveloppe encore le palais d’un calme presque mystique. Quelques silhouettes arpentent l’esplanade. Au fond, un vieil homme aux cheveux blancs, assis, paisible. Il ne dit rien, mais dans sa présence silencieuse, on devine toute une mémoire. Il est comme un gardien, un témoin discret des choses profondes.

À ce moment, le doute s’infiltre : où est la foule annoncée ? Le peuple du royaume viendra-t-il ? Pourquoi ce silence ? On s’interroge, un peu troublés.Mais à 8h40, tout bascule.
Le top départ de la procession est lancé. En un souffle, le paysage change. Comme si le vent avait réveillé les âmes. Des ruelles, des concessions, surgissent des femmes en pagnes éclatants, des hommes en tenue de fête, des enfants aux yeux brillants. Le palais se remplit, déborde. Le peuple est bien là. Il n’a jamais été loin.
La procession s’élance vers la montagne sacrée. Sur le chemin, les images s’impriment dans l’âme : un ancien marche à pas lents, vêtu que d’un pagne noir tissé, le torse à nu, des chaussures en cuir, il porte le tiibo enfui dans une flèche, entourée de plume et de sang, il est soutenu par d’autres vieillards. À côté, des enfants portent avec précaution des chèvres, des coqs, des poules, du dolo. Ce sont les offrandes du jour, les présents faits aux ancêtres.





Au pied de la montagne, l’accès est interdit à ceux qui ne sont pas initiés. Nous restons là, en bas, dans le silence. Quinze minutes. Trente minutes. Et puis enfin, un signal, un son venu d’en haut : les sacrifices sont faits. Les ancêtres ont accepté. il est temps de retourner au palais.
Sur le chemin du retour, les visages étaient apaisés. Les regards confiants. La foule se rassembla à nouveau au palais. Le retour au palais se fait dans une ferveur tranquille. Le silence laisse place aux chants, aux échanges.
Et là, un autre temps fort débuta : la sortie solennelle du roi. Escorté, salué par les fusils traditionnels, Sa Majesté Dima Sigri est apparue, majestueuse. Il a reçu les salutations des notables, des chefs coutumiers venus de loin, et du peuple. Puis, dans le respect du protocole, il s’est éclipsé.
La journée continua avec la pose de la première pierre du futur Musée de la Calebasse, symbole de mémoire, de transmission et de fierté culturelle. Un lieu qui portera bientôt les objets, les savoirs et les récits du royaume. Un musée pour honorer la tradition vivante.




Enfin, la conférence publique rassemble les esprits curieux. Le Pr Samuel Salo, le professeur Harouna Sawadogo et le Keeog-Naaba Koobo prennent la parole. Ils parlent coutume, souveraineté, résilience. Ils rappellent que la tradition n’est pas un folklore figé, mais un savoir vivant, une boussole dans les temps d’incertitude.
Ce 15 mai, à Boussouma, le passé et le présent ont marché côte à côte.
Chaque geste, chaque offrande, chaque parole était un lien tissé entre les vivants et les invisibles.
Les ancêtres n’étaient pas simplement honorés —
ils étaient là, dans les regards, dans les chants, dans le souffle du vent sur la montagne.
Et nous, héritiers de cette mémoire, avons répondu à leur appel.
Avec respect. Avec foi. Avec fierté