
Chez les Moose, chaque chef ne prend pas simplement un titre : il hérite d’une mission, choisit une voie, scelle un pacte avec son peuple. À travers les noms de règne, les Dima (rois) et Naaba (chefs de canton) expriment leur vision du monde, leur promesse d’action et leur ancrage dans les valeurs endogènes.
Ces noms, souvent énoncés comme des proverbes, sont des messages puissants transmis à la fois au visible et à l’invisible, aux hommes et aux ancêtres. Ils sont porteurs de spiritualité, de gouvernance et d’éducation.
-Naaba Sõore : La lumière au service du peuple
« Sõor pukr kõ n yaag moogho »
Le soleil s’est levé, et nulle part sur terre ne sera privé de sa lumière.
Le chef devient une source d’éveil et de solutions. Sa mission est d’éclairer chaque recoin de sa communauté, sans laisser personne dans l’ombre.
« Yibeoog ãdeg na nademd kõ n zeng sõoré »
Même l’étoile du berger ne rivalise pas avec le soleil.
Le leadership véritable ne souffre d’aucune imitation. Le chef est unique, et sa fonction, inégalable.
-Naaba Kougri : Le retour à la source
« Kugr paam zīiga t’a vikr lebeg toodo »
La pierre est installée, il est désormais difficile de la déplacer.
Un message fort : le pouvoir est revenu à ses légitimes héritiers, aux méritants, et rien ne sera plus comme avant.
-Naaba Koanga : L’humilité du pouvoir
« Koag belem sebgo n paam zage »
Le cocotier doit respecter le vent s’il veut vivre longtemps.
Le chef reconnaît qu’il n’est pas arrivé seul. La loyauté envers ceux qui l’ont soutenu est un socle de son règne.
« Si un infirme monte au cocotier, il doit remercier celui qui l’a porté. »
La gratitude est une valeur cardinale de la chefferie.
-Naaba Kiiba : Dieu, dernier arbitre du destin
« Kiib rit mèdgo ti wēnd pund biim »
L’orphelin reçoit une nourriture fade, mais Dieu ajoute toujours de la soupe.
Les jugements humains sont limités. Le destin d’un homme n’appartient qu’à Dieu, et même méprisé, un chef peut surgir.
-Naaba Tɛgre : La paix comme horizon
« Tɛgr yam zaka tɩ koam-bãaneg laad mognã »
Il y a assez à manger, et les enfants jubilent de joie.
Le chef se pose comme le garant du bien-être collectif, porteur de joie, de paix et de prospérité.
-Naaba Siguiri : Le courage des débuts
« Sigr bumb bull kõ kong neerem-ye »
Les premières semences de l’hivernage sont toujours prometteuses.
Tout changement a ses incertitudes. Le chef est celui qui sème l’espoir, même au milieu des doutes.
« Que tu aimes ou non le début de l’hivernage, il faut t’y préparer. »
Le chef anticipe. Il ne subit pas les temps : il les prépare.
-Naaba Belemwendé : La foi comme pilier
« Ned ka kõt bɩ-a belem wende tɩ yaa wend la kõnta »
Si tu n’as personne pour t’épauler, prie Dieu : Lui seul ne refuse jamais son soutien.
Le chef s’appuie sur une spiritualité forte. Il reconnaît que le pouvoir véritable vient d’en haut, et que seule l’humilité permet de gouverner avec justesse.
Un art de gouverner, une école de vie
Ces noms ne sont pas de simples surnoms. Ce sont des programmes politiques, sociaux et spirituels. Chaque nom est un enseignement transmis à la société tout entière.
Ils montrent que dans les traditions moaga, le pouvoir n’est pas domination, mais responsabilité. Il est service, humilité, justice et espérance. À travers eux, les Moose nous rappellent que gouverner, c’est avant tout servir les siens et honorer les anciens.