Chez les Gourmantchéba de la région de la Tapoa dans l’Est du Burkina Faso, ku koanciagu ou rites d’initiation sont une école de la vie, une socialisation par laquelle doit passer tout jeune garçon gourmantché pour devenir un homme. Pendant plusieurs semaines, de jeunes garçons se retirent dans un espace sacré, loin de leurs proches, pour suivre un enseignement rigoureux mêlant apprentissages traditionnels, valeurs morales et rites symboliques.

Dans les bois sacrés, loin des regards des proches, là où seuls résonnent les cris des animaux, de jeunes garçons vivent retranchés. Ils y suivent, dans la rigueur, leur koanciagu ou rites d’initiation qui doit faire d’eux des hommes, selon la tradition des Gourmantchéba. Chez les Gourmantchéba de la Tapoa, ku koanciagu ou rites d’initiation marquent une étape fondamentale dans la vie d’un garçon. Ils sont à la fois une école de la vie et un rite de passage vers l’âge adulte. ku koanciagu ou rites d’initiation sont une immersion dans un univers éducatif structuré, codifié et empreint de symbolisme. Par ce processus de socialisation, chaque adolescent apprend à devenir un homme digne, respectueux et responsable grâce à un enseignement rigoureux mêlant apprentissages traditionnels, valeurs morales et rites symboliques selon M Mindieba Ouali, blogeur culturel et ressortissant de la Tapoa. Comparable à un camp militaire par son intensité et sa discipline, ku koanciagu ou les rites d’initiation s’étendent généralement sur deux à trois mois, selon les objectifs fixés, les signes des oracles et le contexte local. Ils sont organisés après les récoltes, pendant la saison sèche, entre l’harmattan et les premières pluies de l’hivernage. Le processus initiatique se divise en trois grandes phases : l’entrée au camp, le séjour et la cérémonie de sortie.
La retraite des « mu koanmu » ou apprentis initiés
Tout commence par l’entrée des adolescents au camp, loin des regards du monde extérieur. L’arrivée des jeunes au camp constitue la première grande étape du processus. Ce sevrage temporaire avec la famille et la société marque la rupture nécessaire pour accueillir une nouvelle identité : celle d’homme accompli. Dès lors, ils ne sont plus des enfants, mais des « mu koanmu » ou apprentis initiés, soumis à des règles strictes, à un emploi du temps régulier et à une discipline collective. Même si certains aspects sont gardés secrets, il est connu que des rites, chants, danses et symboles rythment le séjour au camp.

……une pédagogie de la vie en communauté enseignée
ku koanciagu ou les rites d’initiation sont un creuset d’éducation aux valeurs fondamentales de la vie en société. Durant plusieurs semaines, les adolescents y apprennent l’intégrité, le respect des aînés, la solidarité, la tolérance, l’hospitalité et le sens de la responsabilité. Par des enseignements oraux, spirituels et pratiques, mais aussi par des épreuves de patience et d’endurance, ils acquièrent maturité, maîtrise de soi et esprit communautaire. À leur sortie, ils ne sont plus de simples jeunes, mais des hommes porteurs d’une certaine éthique, prêts à contribuer à l’équilibre et au développement de leur communauté.
….tout sous la surveillance du naáni ou parrain

Naáni ou le parrain veille sur les initiés reclus durant toute la période de leur retraite. Cette vigilance s’étend à tous les plans, notamment mystique : le parrain doit protéger les jeunes contre toute tentative de nuisance spirituelle ou malveillance. Il y a des sorciers qui prennent du plaisir à faire du mal dans les camps des initiés, nous confie, M Ouali. Il doit donc faire preuve de sagesse, de capacité d’anticipation. En plus de la protection, il veille à la bonne organisation de la cérémonie de sortie des initiés ou li koanñali. Il doit accueillir les initiés dès leur sortie du camp avant le début du périple festif. Il s’assure aussi que les invités soient bien accueillis et restaurés, que les accoutrements des initiés soient soignés et porteurs de sens. Il travaille en coordination avec les femmes du village, qui jouent un rôle clé dans la préparation..
Un rempart contre les dérives modernes
Dans une époque marquée par les fractures sociales, les conflits intergénérationnels et les influences extérieures parfois déstabilisantes, ku koanciagu ou les rites d’initiation constituent un rempart, un réservoir de repères. Il renforce l’ancrage des jeunes dans leur communauté, leur donne des clés pour résister à la manipulation, à la violence ou à la tentation de trahir l’honneur familial et patriotique. Pour M. Ouali[1], un jeune réellement initié aura du mal à se laisser entraîner dans des dérives de l’heure telles que le terrorisme, car il est lié par un serment d’intégrité et d’honneur.
À l’heure où notre société vacille sous le poids de la violence, de la méfiance et de la désagrégation du lien social, les valeurs transmises pendant ku koanciagu ou les rites d’initiation chez les gourmantcheba apparaissent comme des piliers indispensables à la reconstruction. Respect, intégrité, solidarité, tolérance, responsabilité : autant de principes fondamentaux que les jeunes apprennent dans la brousse, loin du tumulte. Des valeurs qui renforcent la cohésion, apaisent les tensions, et préparent des générations capables d’agir avec discernement, dignité et altruisme. Dans un monde fracturé, l’initiation ne relève pas seulement de la tradition : elle est un acte de foi dans l’avenir, une école de paix et de résilience.Et peut-être qu’en revenant à ces fondations, nous trouverons les moyens de réparer ce qui a été brisé.
[1] Merci à Mindieba OUALI, blogueur socioculturel grâce à qui cet article a été réalisé